Sélection, sortir des sentiers battus
Gain de rendement grâce à l'hybridation, résistance aux maladies, amélioration de la qualité, bio, espèces nouvelles... L'innovation génétique peut prendre de multiples formes.
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L'amélioration génétique passe par un travail long et minutieux de sélection à partir des pools génétiques des différents groupes semenciers. Elle provient, parfois, de programmes très originaux. Des sélectionneurs peuvent trouver des points d'ancrage différents, sélectionner autrement, sortir des sentiers battus. C'est ainsi que le triticale, croisement du blé et du seigle, a vu le jour. C'est grâce à la sagacité des chercheurs de l'Inra de Clermont-Ferrand, et notamment de Patrice Leclercq, que l'hybridation du tournesol a été rendue possible dans les années 1960. Une première mondiale. En France, le marché a très rapidement basculé en faveur des hybrides parce qu'ils apportaient un réel plus en matière de rendement pour cette espèce.
Premier hybride d'orge obtenu en 2008
Depuis, des hybrides ont été créés dans de nombreuses espèces potagères, et en grandes cultures, en seigle et en colza. Plus récemment, Syngenta a créé la surprise en lançant le premier hybride d'orge obtenu par la voie génétique, en 2008. De nombreux groupes semenciers s'intéressent à l'hybridation du blé par la voie génétique, mais le verrou semble plus difficile à lever pour cette céréale que pour l'orge.
La résistance aux maladies a aussi constitué des progrès décisifs pour les agriculteurs. C'est le cas en tournesol ou en betteraves. Sans la résistance à la rhizomanie, de nombreuses exploitations françaises auraient dû faire une croix sur la culture de la betterave. Ensuite, les sélectionneurs ont introduit avec succès des résistances aux nématodes à kystes ou au rhizoctone brun et aujourd'hui, les agriculteurs sont demandeurs d'une meilleure résistance à la cercosporiose. A côté des programmes classiques d'amélioration du maïs qui apportent chaque année des gains de rendement, des sélectionneurs ont innové en créant des hybrides dentés précoces. Ils bénéficient ainsi du potentiel de rendement des maïs dentés qu'ils ont adapté aux créneaux plus précoces. C'est le cas d'Euralis qui a exploité des maïs tropicaux, ou de KWS qui a travaillé à partir d'une génétique européenne. Le semencier allemand développe également depuis quelques années, des hybrides sélectionnés spécifiquement pour la méthanisation et vient de lancer des maïs ultra-précoces. En betteraves, SESVanderHave vient de déposer un brevet qui concerne un nouveau critère de sélection, la qualité de conservation. « Les sucreries vont travailler 140 jours cette année, contre 100 à 110 jusque l'an dernier, souligne Alice Lorriaux, ingénieure marketing communication & développement. Ce qui signifie que les betteraves pourront être stockées en bout de champ, jusqu'à 60 jours avant d'être enlevées. Il est nécessaire pour cela que les betteraves se conservent mieux. » Le brevet déposé décrit une méthode prédictive de la tolérance d'une variété aux chocs, ou aux facteurs responsables de la perte en sucre en cours de stockage.
Elargir le champ des possibles
Sortir des sentiers battus en matière de sélection, c'est se fixer des objectifs inédits, c'est aussi explorer la diversité génétique. Si les sélectionneurs n'ont jamais cessé de parcourir la planète pour repérer dans des banques de gènes d'Europe de l'Est, du Mexique ou d'Asie, des lignées qui vont leur apporter un caractère innovant, l'exploration de la biodiversité a pris une toute nouvelle dimension avec les projets mis en place dans le cadre des programmes Investissements d'Avenir, Breedwheat en blé (lire ci-contre), Aker en betteraves, Amazing en maïs, Sunrise en tournesol, Rapsodyn en colza... Ces projets s'appuient sur les possibilités offertes par les technologies nouvelles en matière de capacité de tri, d'analyses de données, de génotypage et phénotypage, notamment pour explorer des ressources génétiques beaucoup plus larges que par le passé.
Améliorer le rendement du blé
Les chercheurs français ne travaillent pas de façon isolée. En blé par exemple, leurs travaux sont développés en parallèle à d'autres initiatives internationales, en particulier celles qui participent à la Wheat Initiative, lancée en 2011 à la suite des émeutes de la faim, et soutenue par le G20, ainsi qu'au consortium international de séquençage du blé, l'IWGSC. « Des équipes cherchent aussi à casser le « rendement de verre » du blé, pour faire passer son potentiel de 16 à 22 t/ha, souligne Josiane Lorgeou d'Arvalis-Institut du végétal. Jusqu'à présent, on n'a pas amélioré le potentiel du blé, mais son efficience à exprimer ce potentiel et son adaptation aux contraintes locales. Avec ce programme, les chercheurs s'attaquent cette fois, à l'efficacité de la photosynthèse. C'est à la limite, faire passer le blé d'une plante en C3, à une plante en C4. Les plantes en C3, comme le blé, produisent 2 g de matière sèche par mégajoule de photosynthèse, les plantes en C4, comme le maïs, 3 g. » D'autres équipes ont conduit en parallèle à leurs programmes de sélection classique, des programmes spécifiques au bio. C'est le cas de l'Inra, par exemple, qui a inscrit deux variétés de blé bio, Hendrix et Skerzzo, mais aussi de sélectionneurs privés comme Lemaire Deffontaines (lire ci-contre). Trouver de nouveaux points d'ancrage, c'est aussi s'intéresser à la sélection d'espèces nouvelles. Panam vient, par exemple, d'obtenir la protection de l'Instance nationale des obtentions végétales, pour la première variété de chia, Oruro, sélectionnée en France et issu d'un programme de recherche lancé il y a dix ans.
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